Béatrice Robert Boissier
Ellipses Editions
Pompéi, patrimoine mondial. Sa vie, sa mort, sa résurrection. Très intéressant ouvrage qui renouvelle l’Histoire de Pompéi grâce à l’archéologie. Pour les passionné d’Histoire !
PRESENTATION
Pompéi, la cité mise au jour dans des conditions exceptionnelles de conservation au XVIIIe siècle, appartient désormais dans toute sa richesse à l’histoire culturelle et artistique de notre époque. Elle représente un point de référence singulier, l’horizon même d’un imaginaire allant d’Alexandre Dumas à Mark Rothko, de Théophile Gautier aux Pink Floyd, qui y ont tous vu un passage vers une autre dimension du temps et du drame humain.
Cet ouvrage se propose de retracer les différentes vies qu’a connues Pompéi, depuis l’Antiquité et sa destruction par le Vésuve un jour de 79 apr. J.-C. jusqu’à sa résurrection et son intégration progressive dans la culture moderne et contemporaine. Ce long chemin historique a permis à la cité de devenir l’un des emblèmes patrimoniaux les plus connus au monde. Instrument du pouvoir ou terrain d’expérimentation de l’archéologie naissante, symbole politique ou allégorie métaphysique, les vies de Pompéi sont toujours doubles. Vies réelles et vies rêvées se mêlent et se croisent dans cette histoire plurielle, entre archéologie et imaginaire.
EXTRAIT
Pompéi, un nom qui évoque la lave et le feu, une ville soudainement frappée par la colère du Vésuve et dont les habitants, figés pour l’éternité dans la cendre durcie, sont un témoignage vivace et poignant d’un drame qui eut lieu en 79 apr. J.-C. Au xviiie siècle, la redécouverte de Pompéi et d’Herculanum , sa voisine, et la nature particulièrement tragique de la catastrophe qui mit fin à leur existence éveillent rapidement la curiosité du monde entier, des savants comme des artistes, des curieux comme du grand public. Tout est réuni à Pompéi pour piquer la curiosité et frapper l’imagination : l’omniprésence de la mort, le secret qui entoure les premières fouilles, le parfum de scandale qui enveloppe la découverte de nombreux objets érotiques et la proximité soudaine d’un passé qui se dévoile dans ses moindres détails. Le poète Théophile Gautier (1811-1872), qui sera souvent notre guide dans le voyage anachronique que nous nous apprêtons à entreprendre, exprime mieux que quiconque l’effet du face-à-face avec la ville antique, du hiatus temporel qu’il provoque :
L’aspect de Pompeï est des plus surprenants ; ce brusque saut de dix-neuf siècles en arrière étonne même les natures les plus prosaïques et les moins compréhensives ; deux pas vous mènent de la vie antique à la vie moderne et du christianisme au paganisme ; aussi, lorsque les trois amis virent ces rues où les formes d’une existence évanouie sont conservées intactes, éprouvèrent-ils, quelque préparés qu’ils fussent par les livres et les dessins, une impression aussi étrange que profonde.
Arria Marcella, 1852
Pompéi offre une image de l’Antiquité très différente de celle que l’on connaît jusqu’alors, une image familière qui rend les Anciens beaucoup plus accessibles que ne le laissaient supposer les sculptures de marbre blanc ou les bustes impériaux. C’est encore aujourd’hui ce qui justifie en grande partie la fascination exercée par le site antique dont le nom est désormais universellement connu.
Cet intérêt explique l’enjeu politique et patrimonial que représente Pompéi dès les premiers temps de sa découverte et jusqu’à nos jours, ainsi que les récentes dégradations du site sont venus douloureusement le rappeler. Au fil des chapitres, nous suivrons le singulier destin de la petite cité du Vésuve à travers son histoire, depuis l’Antiquité jusqu’à sa disparition, depuis les premières fouilles au XVIIIe siècle jusqu’à son inscription sur la liste du patrimoine mondial en 1997. Tour à tour terrain de batailles armées, objet de conflit entre intérêts politiques et scientifiques, joyau de la couronne napolitaine et manifeste d’une Italie libérale et unifiée, laboratoire de politiques patrimoniales et destination touristique de premier choix : Pompéi semble avoir vécu mille vies, anthumes et posthumes ; ce qui n’est ici ni lapalissade ni oxymore. De surcroît, l’extraordinaire longévité post mortem de la cité antique ne présente pas un trajet linéaire, sa perception et sa réception évoluent selon le contexte politique, scientifique, historique et culturel : Pompéi est tout d’abord le patrimoine personnel et la vitrine du pouvoir de la dynastie bourbonienne, un instrument diplomatique au sein d’une Europe agitée par les rivalités nationales, puis un terrain de révolutions politiques et archéologiques en 1848 avant de devenir patrimoine national italien et patrimoine commun de l’humanité, à conserver et à transmettre aux générations futures.
Ces multiples vies, houleuses souvent, passionnantes toujours, ont en commun de n’être jamais simples, unidimensionnelles, mais toujours doubles, ambivalentes voire ambiguës. Le temps y est le premier à se dédoubler entre un passé et un présent qui se mêlent étroitement : l’histoire de Pompéi nous en révèle autant sur l’Antiquité qui l’a vu naître que sur l’époque qui l’a ressuscitée. Cette vie réelle, historique, si l’on peut la qualifier ainsi, s’enrichit aussi d’une vie rêvée, alimentée par la fantaisie des écrivains, des poètes, des peintres, des architectes ou des metteurs en scène qui ont tenté de réévoquer et de recréer la ville antique et ses habitants qui semblaient seulement endormis sous la cendre. Glaucus, Ione, Diomède ou Julia Felix traversent, au mépris du temps écoulé, frontières et océans, de la Bavière à Coney Island en passant par Paris, pour rejouer la vie et la mort de la cité du Vésuve , du mélodrame au thriller policier en passant par le spectacle pyrotechnique. La force d’évocation de Pompéi rend perméable la frontière entre science et imaginaire, la fiction se nourrissant de l’archéologie et l’archéologie se laissant parfois aller à la tentation de la fantaisie. La photographie ou le roman dit archéologique prétendent, parfois avec raison, à la fiabilité de la science tandis que l’archéologie ou la littérature spécialisée cherchent à s’approprier la séduction de la poésie. Désormais entrées dans notre imaginaire commun, ces multiples représentations pompéiennes ainsi que la manière dont elles naissent, s’influencent et s’additionnent entre elles, font l’objet de cette biographie particulière, une plurigraphie presque, de Pompéi.
SOMMAIRE
Avant-propos
Introduction
Chapitre I - À l’ombre du Vésuve
Chapitre II - Une arme diplomatique des Bourbons :
secrets, intrigues et scandales
Chapitre III - La parenthèse française :
entre passion antiquaire et préocupations archéologiques
Chapitre IV - Une vitrine du pouvoir
Chapitre V - 1848 : archéologie et révolution
Chapitre VI - Science et conscience de Pompéi
Chapitre VII - Entre guerres et fascisme :
propagande et progrès archéologiques
Chapitre VIII - Pompéi, patrimoine commun de l’humanité
Chapitre IX - Une fantaisie archéologique : le poète et le savant
Chapitre X - « Caprices » pompéiens :
représentations et interprétations artistiques
Chapitre XI - De la restitution à la reconstruction :
architecture et anachronisme
Chapitre XII - « Pompéi ne meurt jamais » : filmographie et autres curiosités
Chapitre XIII - Les soeurs oubliées
En guise de conclusion
Carte et plans
Chronologie
Bibliographie
Index
L’AUTEUR
Spécialiste de l’histoire du patrimoine et de ses enjeux politiques et culturels, Béatrice Robert-Boissier, diplômée de Sciences Po Paris et de l’université de Paris I, est l’auteur de plusieurs articles sur Pompéi et la réception de l’Antiquité au XIXe siècle. Elle est actuellement chargée de mission à l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
Parution : 4 octobre 2011
Nb de pages : 336 p.
ISBN : 978-2729866358
Prix : 24,40 €