Claude Cabanes
Rocher
« Je suis un dandy et je vomis la vulgarité. J’appelle à un soulèvement de l’esprit pour la défense du style, de la droiture et de l’élégance. »
PRESENTATION
« Descends, si t’es un homme ! ». Il n’est pas descendu. Mais l’apostrophe du Président de la République à un inconnu qui l’agressait verbalement au cours d’une sortie publique, ponctuait et officialisait en quelque sorte une autre descente : la dégringolade générale vers les cloaques de la vulgarité. Oh certes, ce type de mise en demeure sonore est plutôt banal dans la vie ordinaire. Il ne l’est pas, asséné par le Chef suprême de l’Etat : un langage et une posture grossières affectent la plus solennelle des fonctions. Piétinent sa dignité. Comme si une sentinelle, la dernière face à l’obscénité générale, désertait…
Bien sûr, nous n’allons pas jouer les chochottes coincées ni les puritains blêmes. Mais enfin, quand les troupes de la trivialité, de l’impudeur et du cynisme occupent nos écrans, défilent dans les salons les plus huppés, exhibent le spectacle de revenus indécents comme on promeut de la barbaque, corrompent les esprits, pourrissent la langue, notre langue – notre langue chérie – font étalage de l’intimité jusqu’à transformer le « moi » en porcherie, financent l’immondice sur papier glacé ou en « prime time », hissent sur le podium des héros du « people game », nous appelons à un front contre la vulgarité (ah, ce « nous », comme si j’entendais des voix…).
EXTRAIT
La sentinelle
« Descends, si t’es un homme ! » Il n’est pas descendu. Mais l’apostrophe du président de la République à un inconnu qui l’agressait verbalement au cours d’une sortie publique ponctuait et officialisait en quelque sorte une autre descente : la dégringolade générale vers les cloaques de la vulgarité. Le «casse-toi, pauvre con !», dans la même bouche et dans une circonstance identique, consacrait la mauvaise pente. Oh ! certes, ce type de mise en demeure sonore est plutôt banal dans la vie ordinaire. Il ne l’est pas, asséné par le chef suprême de l’État : un langage et une posture grossières affectent la plus solennelle des fonctions. Piétinent sa dignité. Comme si une sentinelle, la dernière face à l’obscénité générale, désertait…
Bien sûr, nous n’allons pas jouer les chochottes coincées ni les puritains blêmes. Nous ne bramons pas au retour de l’œillet à la boutonnière, nous ne gémissons pas de la disparition des glaïeuls du paysage floral, nous ne rêvons pas de curés en soutane de soie ni d’enfants de chœur amidonnés dans l’encens, qui chantent dans les rues. Mais enfin, quand les troupes de la trivialité, de l’impudeur et du cynisme occupent nos écrans, défilent dans les salons les plus huppés, exhibent le spectacle de revenus indécents comme on promeut de la barbaque, corrompent les esprits, pourrissent la langue - notre langue chérie… - font étalage de l’intimité jusqu’à transformer le «moi» en porcherie, financent l’immondice sur papier glacé ou en prime time, hissent sur le podium des héros du people game ceux qui se traînent à genoux vers la pâtée et vers la niche… Donc, nous appelons à un front contre la vulgarité (ah, ce «nous», comme si j’entendais des voix…). «Il est éloquent comme un bœuf et beau comme un boucher», écrivait Hugo d’un de ces affairistes nouveaux qui faisaient ventre de tout dans Paris après la Commune. Les revoilà : les faiseurs de fric à la louche, qui dégomment les capitaines d’industrie. Dans l’Histoire, les Restaurations sont toujours des affaissements : plus rien ne va droit; les dindons nihilistes tiennent la rampe et démolissent les colonnes vertébrales; le cynisme provincial instille son poison : on ne vit plus, on calcule.
L’AUTEUR
Claude Cabanes est né le 29 avril 1936 dans le Gers. Chef de la rubrique culture, puis rédacteur en chef adjoint de l’Humanité dimanche, il est devenu rédacteur en chef de l’Humanité pendant seize ans quand celle-ci était encore l’organe central du Parti communiste français. Le 11 décembre 1998, il est promu à la direction de la rédaction. En 2006, il devient éditorialiste de ce quotidien, ainsi que chroniqueur de l’émission « On refait le monde » sur RTL. Depuis sa création en 2007, il écrit régulièrement dans le journal Service littéraire et donne également des chroniques sur I-Télé. Il se définit lui-même comme communiste et a fait paraître en 2005 son premier roman, Le Siècle dans la peau aux éditions Buchet-Chastel.
LA COLLECTION ELOGE DES EDITIONS DU ROCHER
C’est une évidence, tout vice a sa vertu. Notamment celle de susciter des commentaires. En fait, tout est dans tout. Le revers de la médaille, le défaut de la cuirasse, l’envers du décor : voilà ce qui compose - ou décompose - admirablement l’âme humaine. Ces défauts, cela va de soi, sont des péchés. Capitaux ou capiteux, ils contreviennent aussi bien aux lois religieuses et à l’éthique philosophique qu’aux volontés divines. Mais ils sont l’apanage de l’homme. Cette collection ne se propose évidemment pas de plébisciter la vulgarité, l’imposture, le nihilisme, la trahison, la sauvagerie, la tricherie, la luxure, l’arrogance, la duplicité, le snobisme, la perversité, la lâcheté, l’infidélité, l’indiscrétion, l’indifférence ou tout autre travers que l’on trouve en si grande abondance dans le panier de la ménagère, lequel est aussi le coeur des hommes. Elle se propose tout simplement de savoir tirer le meilleur du pire ou, mathématiquement, le plus du moins. Sous le voile transparent de l’ironie, c’est chose faite. Avec « Éloge », une certaine morale y trouve son compte. On peut même dire qu’elle est bien servie. Et cela grâce à l’humour, au talent et au style d’écrivains qui, par l’alchimie du paradoxe, ont su dénicher la qualité d’un défaut, le défaut d’une qualité, ou encore le défaut d’un défaut, ce dont nul ne pourra se plaindre François Cérésa
Titre déjà paru : Éloge du contraire, de FRANÇOIS BOTT.
Parution : 13 mai 2011
Format : Broché
Nb de pages : 135 p.
ISBN-10: 2268071359
ISBN-13: 978-2268071350
12,90 Euros.