Antoine Choplin
Editions du Rouergue
Cela se passe au début des années 80. Cela pourrait se passer aujourd’hui. Dans une petite ville du Nord, le personnel d’une usine menacée de fermeture est en grève. Le jour, Léo participe mollement à la lutte, aux côtés de son père, leader syndical. La nuit, il répète dans un quartet de jazz. Autour d’un double portrait d’un père et de son fils, de ses variations et de ses dissonances, Antoine Choplin compose une mélodie sensible.
Au moyen d’une écriture dépouillée, il frappe juste et bien. Plus qu’un roman social sur la fin d’un certain monde ouvrier, Cour Nord est un roman plein d’émotion retenue pour le désarroi et les mystères de ses personnages.
Un père et son fils donc… Quelque part dans le Nord. Il pleut. Il vente. Il fait froid. Une tempête gronde. Qui ne vient pas seulement des cieux gris de menaces. Mais qui se lit aussi sur le visage des deux hommes, leur front tendu, leurs gestes gourds, leurs mots presque sans voix. Le matin, au lever, ils se saluent du regard. Ainsi commence leur journée, par un rite, une tendresse tout en silence.
Leur usine va fermer. Depuis deux semaines, ils sont en grève. Cour Nord, dixième livre d’Antoine Choplin, d’une écriture tendue, comme essorée de tout pathos, nous fait emboîter les pas lourds de Léo et de son père, nous entraîne dans un monde qui se dilue, où règne l’incertain, où se noient des valeurs d’un autre temps - avoir un travail, un toit, connaître la solidarité, ne pas se soumettre à l’arbitraire, rester dignes.
Léo, fils et narrateur, suit son père sans conviction. Il a des désirs d’ailleurs, d’une vie autre. Le jour, il est prisonnier à l’usine. La nuit, il invente la liberté avec des copains, joue du jazz, s’enivre de Thelonious Monk. Le grand écart. Quand le père, vieux briscard de la classe ouvrière, se refuse à abdiquer et entame, seul, une grève de la faim, Léo se détourne, s’en va regarder le ciel, rêver un peu.
Déjà, dans Radeau (1), d’une prose aérienne, Antoine Choplin peignait la force tranquille de personnages de l’ombre, résistants lors de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, avec Cour Nord, il récidive à sa manière, à mots crus et veloutés à la fois, rien que des mots de tous les jours. Il éclaire père et fils d’une lumière d’orage, en variant les tempos, doux ou rageurs. Il raconte leur lassitude, leur désarroi, leurs contradictions, leurs pauvres utopies, raconte cette grisaille de plomb qui les fait se courber, cette espèce de noblesse de classe qui les fait se redresser, et tenir debout, malgré tout. Malgré l’adversité, les défaites. Malgré ce monde usé, éreinté, qui s’en va, qui se meurt peu à peu sans savoir comment renaître.
Né en 1962, Antoine Choplin vit près de Grenoble, où il partage son temps entre l’écriture et l’action culturelle. II est l’auteur d’une dizaine de romans, récits et recueils de poésie, dont Radeau (La Fosse aux Ours, 2003), qui a connu un vrai succès populaire, et Apnées publié à l’automne dernier chez le même éditeur. La brune l’accueille pour la première fois.
Pages : 130 p.
Format : Broché
Dimensions : 20.5 x 14.0 x 1.1 cm
ISBN: 9782812600913
EAN13: 9782812600913