MANGA LA METAMORPHOSE


manga-la-metamorphose

Kumai Hidenori et Kozumi Shinozawa

éd. BLF Europe

 

Un an après « Manga Le Messie » sur le Christ dans les Evangiles, des mêmes auteurs, et de même facture, paraît « Manga La Métamorphose ». Il s’agit de la présentation des « Actes des Apôtres » selon la même inspiration des mangas japonais et selon l’ « adaptation des textes anciens » (les Actes écrits en grec par st Luc).

 

Les auteurs interpellent le lecteur pour qu’il prenne la mesure du contexte de la diffusion de la Bonne Nouvelle de Jésus le Messie : « Imagine un monde (méditerranéen) profondément troublé. Une nouvelle doctrine se répand comme une épidémie… ». Ce surgissement est irrésistible : « Les autorités (religieuses et politiques) sont incapables d’enrayer sa progression.. ». Nouvelle interpellation envers le lecteur pour l’entraîner à une conversion de vie à la suite des apôtres du Messie : « Et soudain, la vie que tu connaissais disparaît ! ». De fait, comme l’indique le titre, il s’agit d’accueillir une profonde « métamorphose », en soi et dans le monde. D’après le sous-titre, la « fin d’un monde » est advenue avec le Messie crucifié et ressuscité (p. 6 ; 219 ;..). C’est maintenant « l’aube d’une ère nouvelle » qui se manifeste. Pour s’adresser plus facilement aux enfants (dès 9-10 ans ?) et aux adolescents, les auteurs mettent en scène des personnages jeunes, surtout Jean, Marc, Barnabé, Luc, Tite, et, bien sûr, le jeune Paul au début,…

 

La « métamorphose » ? Ce terme grec est utilisé dans les Evangiles à propos de Jésus lors de sa Transfiguration sur la montagne : il fut « métamorphosé » (Mt 17,2). Ici, l’événement-choc de Pentecôte, avec la plénitude de l’Esprit Saint donnée aux apôtres, est la métamorphose - Source (p. 13-20, 51,…). Voilà une « métamorphose » d’origine divine qui se développe de proche en proche : celle des apôtres passant de la peur à l’audace, celle des juifs et des païens devenant disciples du Christ (l’Ethiopien, Corneille, …), celle de Saul le haineux envers les chrétiens devenant Paul l’évangélisateur infatigable. Et, finalement, la métamorphose s’étend au contexte romain, et même à l’horizon du monde : un « bouleversement mondial » (p. 177). A la fin, quand Paul, prisonnier, arrive vers Rome, la séquence porte le titre : « Espoir au cœur de l’empire » (p. 278) et les dessins montrent une voie ouvrant sur un monde édénique, le monde de la Création nouvelle, transfigurée. En contraste, certains font le cheminement inverse de la métamorphose, car ils se laissent entraîner au mal et au néant : Ananie et Saphire ont triché et meurent (p. 38-42) ; Hérode, dans un excès d’orgueil, s’est laissé acclamer comme un dieu et tombe mort (p.126).

 

Cette métamorphose progressive est répartie sur deux « chapitres » essentiels : de Pâques au choix de Barnabé et de Paul pour la mission (p. 7-129 = Actes 1,1 - 13,3), puis les Actes de Paul, de sa mission avec Barnabé à son martyre à Rome (p. 131-283 = Actes 13,4 - 28,31). D’utiles pages-encarts présentent quatre Lettres de Paul aux « églises », c’est-à-dire aux « assemblées » nouvelles des croyants : aux Philippiens (p. 176), aux Corinthiens (p. 201), aux Ephésiens (p.219) et aux Romains (p. 224). Parfois, en cours de récit, référence est faite aux épisodes des Evangiles, pour montrer l’accomplissement de la Parole du Messie (p. 75-76 ;…), ou aux Lettres de Paul (p.150 ;..). D’autres utiles documents figurent, avec bonheur, en fin d’ouvrage : une chronologie des événements depuis la crucifixion de Jésus jusqu’à Théodose en 392 (p. 287) et des livres du Nouveau Testament (des Epîtres de Paul à l’Apocalypse), la carte du Bassin méditerranéen avec les missions de Paul (p. 286, et d’autres cartes : p. 105, etc), la présentation des « personnages » (Jésus, Pierre,..et les nouveaux : Etienne, Corneille, Barnabé, Marc, Aquilas et Priscille, Luc,…).

 

Dans « Manga La Métamorphose », le lecteur vérifie qu’il s’agit des « actes » du Messie Jésus réalisés par ses apôtres et ses nouveaux disciples, ainsi que des « actes » de l’Esprit Saint. L’Esprit ne cesse de se manifester : à Pentecôte, et, entre autres, lors du choix des Sept (p. 52), au baptême de l’Ethiopien (p. 78) et du centurion Corneille (p.103), lors du choix de Barnabé et de Paul (p. 129)…ou pour suggérer à Paul de passer vers l’Europe (p. 158 sv.), puis de revenir à Jérusalem pour Pentecôte (p. 202). L’Esprit est particulièrement au travail chez les nouveaux disciples à Ephèse (p.203, 209).

 

Au fil du récit, des épisodes sont plus développés, notamment les persécutions (d’Etienne martyrisé, p.55-64 ; de l’apôtre Jacques, p. 110-114 ; de Pierre, p.115-120 ; de Paul lapidé, p. 147-148 ;…) ou la conversion du centurion Corneille (p.92-103), et les dissensions entre Paul et Barnabé (p. 153-155),… Le baptême est le sacrement le plus nettement souligné dans ce récit : pour les Juifs pèlerins de Pentecôte (p. 23), l’Ethiopien (p. 78), Corneille et sa maisonnée (p.103), Lydie (p.164), le garde de la prison à Philippes, et sa famille (p. 173), des Thessaloniciens (p.177), des Juifs de Bérée (p.182) et des jeunes gens d’Ephèse (p.209),… Le geste de l’imposition des mains est bien attesté pour les ministères confiés aux Sept serviteurs (p. 52), à Barnabé et Paul (discrètement, p. 129). Par contre, au-delà de ces signes, la dimension sacramentelle des Actes des Apôtres est assez peu présente ici. Parmi les points importants - les signes qui seront appelés sacrements du salut - comme la pratique de l’Eucharistie dans les premières communautés chrétiennes, la « fraction du pain » avec les apôtres, elle est omise là où elle serait attendue (Actes 2,42.46). A propos de Paul célébrant l’eucharistie dans les églises qu’il fonde, une seule allusion dans le texte, mais sans image (p. 228, cf. Actes 20,7.11 ; 27,35). Lors du naufrage près de Malte, l’allusion des Actes au geste de l’Eucharistie (Ac 27,35) ne donne pas lieu à une explicitation dans « Manga ». La présentation de la Première Epître aux Corinthiens (p. 201) ne rappelle pas comment Paul rapporte le récit de l’institution (1 Cor 11).

 

Par ailleurs, le lecteur se réjouit de divers points d’originalité. Chez les personnages, des traits humains sont soulignés, comme l’affection fraternelle entre André et son frère Pierre emprisonné (p.117) ou racontant sa « compromission » avec le païen Corneille (p.104), ou l’affection fraternelle entre Jean et son frère Jacques quand celui-ci est martyrisé (p. 110, 114). Le lien est bien rappelé entre la nécessaire ouverture aux païens et les paroles de Jésus dans les Evangiles pour justifier le baptême du centurion Corneille (p.105). De façon très belle, « Manga La Métamorphose » fait apparaître le travail spirituel qui s’effectue dans les consciences. Comment Jésus ressuscité a-t-il pu se manifester à Saul le haineux ? C’est que la conscience de Saul est alertée depuis qu’il a été témoin du martyre d’Etienne (p. 62-63, 79,…). La dernière prière d’Etienne en mourant résonne dans le cœur de Saul (p. 81-82 sv.). Philippe, l’un des sept « responsables » (p.51) ouvre sa méditation à l’Esprit Saint (p.77). Corneille, l’officier romain païen, avec sa famille, vit une quête « profondément religieuse » (p. 92-93) et il en vient à désirer la rencontre avec l’apôtre Pierre (p.100 sv.). De son côté, l’apôtre Pierre se tient dans la prière et la méditation de sa mission apostolique (p. 94-97), ce qui le rend ouvert à la requête de Corneille. Le jeune Marc, en descendant dans sa conscience, est capable de ne pas s’enfermer dans ses échecs (p. 136-137), mais de « rebondir » par une maturation intérieure pour un nouvel élan (p155). L’apôtre Paul est souvent en travail de discernement pour orienter son attitude envers ses interlocuteurs Juifs (p. 178, 194, 198, 207,…). Autant de beaux exemples d’épisodes mis en valeur montrant la place de l’intériorité spirituelle, de la prière, de la capacité à se remettre en question. A juste titre, le récit met en parallèle l’aventure spirituelle et missionnaire de Paul dans les Actes et l’aventure de Jésus lui-même, dans les Evangiles, quand il monte à Jérusalem pour sa Passion (p. 233, 239). Les biblistes (Ch. L’Eplatenier,…) ont bien noté que Luc a écrit les Actes sur le même plan que son Evangile.

 

« Manga La Métamorphose » inscrit les événements de la diffusion de l’Evangile de Jérusalem à Rome, et même au bout de l’Europe, en Espagne (p. 282) dans une large catéchèse. Une grande vision biblique est donnée à partir de la Création (p. 5). Les premières images évoquent la Création initiale et la puissance de la Parole de Dieu : « Au commencement, la Parole existait ». La Création est renouvelée avec la naissance du Messie, Parole divine (p. 5 : le Prologue de saint Jean). L’Histoire biblique, d’Abraham à Jésus, est bien rappelée à la faveur du discours d’Etienne (p. 56-57). En finale, éclate une joyeuse parole, celle de l’action de grâce de Paul, qui mourra « à 63 ans » : « Une chose que je ferai pour toujours, c’est louer le Seigneur ! » (p. 283).

 

Au final, par l’heureuse puissance des images et du récit, pour la lecture personnelle ou en travail de groupe, « Manga La Métamorphose » offre une bonne présentation de l’étonnante diffusion de l’Evangile en Asie Mineure et jusqu’à Rome, au cœur de l’empire romain et de la région méditerranéenne.

Les commentaires sont fermés.